SOURCE : Le Point Afrique – Publié le 10/09/2021
DÉFI. Repoussé de plusieurs mois, le plus grand rendez-vous du cinéma africain revient du 16 au 23 octobre. Le programme promet beaucoup. Morceaux choisis.
Initialement prévue du 27 février au 6 mars, l’édition 2021 du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a été repoussée pour se tenir du 16 au 23 octobre, en raison de la pandémie de coronavirus dont une deuxième vague frappait le pays. Des films événements, des innovations et des personnalités venus de tous les horizons géographiques et artistiques… Le programme de la 27e édition du Fespaco promet beaucoup !
Un Fespaco placé sous le signe des défis
Cette nouvelle édition du Fespaco aura pour thème « Cinémas d’Afrique et de la diaspora : nouveaux regards, nouveaux défis », et pour pays invité, le Sénégal. Malgré le contexte sécuritaire et sanitaire, le comité d’organisation entend réussir ce rendez-vous avec le maintien de toutes les activités prévues, comme le très couru marché du cinéma et de la télévision, les rencontres professionnelles, les projections dans les salles ouvertes au grand public. Cette édition est un « défi pour montrer, malgré la situation sanitaire, que le continent continue à créer, à rêver, à pouvoir résister à tous les maux qui minent nos sociétés », a affirmé le nouveau délégué général du Fespaco, Alex Moussa Sawadogo, choisi en octobre 2020 par les autorités du pays. Cette édition promet également des innovations avec une nouvelle section intitulée Burkina « pour montrer la dynamique de l’industrie cinématographique de notre pays », une section Perspective « pour la génération montante », et même une section pour enfants, Sukabe. L’objectif est de devenir un hub où se retrouvent toutes les créations artistiques du continent africain et, au-delà, attirer d’autres plateformes internationales.
La grande vitalité du 7e art sur le continent africain
Le Fespaco, principal rendez-vous du cinéma en Afrique, se tient tous les deux ans à Ouagadougou. Chaque édition voit des films de tous formats entrer en compétition pour briguer l’Étalon d’or. Cette année, sur 1 132 films inscrits, dix-sept ont été retenus dans la catégorie long-métrage de fiction, pour concourir pour la récompense suprême par un comité de sélection tout aussi diversifié composé de sept membres, dont trois femmes. Les réalisateurs des dix-sept films en lice sont issus de quinze pays du continent, avec deux Égyptiens et un Burkinabè, notamment. Les autres sont originaires du Sénégal, de l’Angola, du Cameroun, du Nigeria, de la Tanzanie, de la Somalie, de la Côte d’Ivoire, du Tchad, du Rwanda, du Maroc, de la Namibie, du Lesotho et de la Tunisie. Enfin, un film haïtien a également été retenu.
L’Étalon d’or doit être décerné le 23 octobre par un jury international, présidé par le réalisateur et producteur mauritanien, Abderrahmane Sissako, lauréat du césar du meilleur film pour Timbuktu en 2015. Et sont attendus dans cette catégorie des personnalités phares du cinéma africain, comme le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, avec Lingui, les liens sacrés, déjà présenté à Cannes cette année.
Le cinéaste franco-ivoirien Philippe Lacôte sera présent également avec son deuxième long-métrage La Nuit des rois. Une plongée dans la prison surpeuplée de la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan), décrite par un des personnages comme « la seule prison du monde dirigée par un détenu », en l’occurrence Barbe-Noire. Qui sent sa mort approcher et désigne un jeune détenu, Roman, pour raconter un conte jusqu’au bout de la nuit illuminée par une lune rousse. Le film a déjà été récompensé pour sa mise en scène et sa musique au Festival du film francophone d’Angoulême.
Autre film à surveiller de près, The White Line de la Namibienne, Desiree Kahikopo. En 1963, après le soulèvement de Old Location, qui a secoué le sud-ouest de l’Afrique, la vie d’une femme de chambre noire est changée à jamais lorsqu’elle rencontre un officier de police afrikaner lors d’un contrôle de papier. Une histoire d’amour et d’espoir.
Plus énigmatique, le conte tout droit venu du Lesotho, L’Indomptable feu du printemps de Lemohang Jeremiah Mosese, raconte l’histoire de Mantoa, 80 ans. En tant que doyenne d’un petit village niché dans les montagnes du Lesotho, Mantoa décide d’en défendre l’héritage spirituel et ravive l’esprit de résistance de sa communauté lorsque la construction d’un barrage menace de submerger la vallée.
Plus rarement présente au cinéma, la Somalie sera représentée cette année au Fespaco avec La Femme du fossoyeur, d’Ahmed Khada, qui raconte la vie d’un fossoyeur et de sa femme, avec en trame de fond le quotidien des Somaliens, tiraillés entre traditions et modernités. Le film a déjà été présenté en première mondiale au Festival de Cannes 2021, à la Semaine de la critique.
Fable magique et réaliste des rues cacophoniques de Luanda, Air Conditioner est un film vraiment à part. Le synopsis est plus que surprenant : les climatiseurs de la capitale angolaise commencent à tomber mystérieusement en panne. L’agent de sécurité Matacedo est envoyé par son patron afin de lui trouver un climatiseur d’ici à la fin de la journée, mais sa rencontre avec le propriétaire excentrique d’un magasin d’électronique va changer sa mission. Rythmée par une musique jazz, cette odyssée chimérique raconte en toile de fond l’héritage du passé colonial de l’Angola.
Le Sénégal, pays à l’honneur de cette 27e édition du Fespaco, n’est pas en reste. Le Père de Nafi, premier film réalisé par Mamadou Dia, a été salué par la critique. Le cinéaste sénégalais y raconte la vie d’un petit village du nord du pays, où deux frères s’opposent à propos du mariage de leurs enfants, l’islamisme rampant dans ces sociétés sert de trame de fond. Le long-métrage a été couronné par de multiples prix, dont deux Léopards d’or au festival de Locarno, et était en lice pour représenter le Sénégal aux oscars.
Cette année, le Fespaco sera scruté de très près en Afrique, mais également ailleurs dans le reste du monde, parce qu’Alex Moussa Sawadogo, son directeur général marquera ses premiers pas. Né en 1974 à Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, ce grand amoureux du cinéma est un Germano-Burkinabè connu pour avoir créé le Festival des films d’Afrique de Berlin, puis pour son rôle au sein de Afrikamera pour lequel il a été directeur artistique. Membre de jury de plusieurs festivals dans le monde, en particulier en Suisse, en Allemagne, en passant par Israël et jusqu’en Corée du Sud, il est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art à l’université de Ouagadougou et d’un master professionnel de management culturel et des médias obtenu à Hambourg, en Allemagne.
Le Point Afrique – Publié le